Médecin urgentiste, anesthésiste-réanimateur et formateur en médecine de guerre, Raphaël Pitti est un homme de terrain engagé. De la Syrie à Gaza, en passant par l’Ukraine, il témoigne des pires catastrophes humanitaires de notre époque. Cet article revient sur son parcours, ses engagements et sa vision sans concession du droit humanitaire.
Une vocation née de la guerre
Un médecin militaire au service des populations
Né en 1950 en Algérie française, issu d’une famille italienne ayant fui le fascisme, Raphaël Pitti connaît très tôt l’exil. Réfugié en France en 1962, il garde un profond attachement à l’Algérie. L’armée devient pour lui un ascenseur social : il y devient médecin et découvre les terrains de guerre.
Il intervient en Ex-Yougoslavie, lors de la guerre du Golfe, au Tchad, à Djibouti ou encore au Liban. À travers ces expériences, il devient professeur de médecine d’urgence et de catastrophe. Son rôle : former les médecins militaires à intervenir dans des contextes extrêmes.
Un tournant humanitaire
De militaire à humanitaire
En 2004, refusant de quitter le contact avec les malades pour une carrière administrative, il quitte l’armée. Commence alors sa carrière humanitaire : infirmières bulgares en Libye, expertise pour Sonatrach en Algérie, ou encore création de centres de formation dans des zones à risque.
Son expérience devient un atout inestimable sur le terrain humanitaire, notamment en zones de guerre.
Engagement politique et défense des réfugiés
Raphaël Pitti est également un citoyen engagé. En 2016, il soutient Emmanuel Macron, attiré par sa promesse de dignité pour les réfugiés. Mais rapidement déçu par la politique migratoire française, il renonce à sa Légion d’honneur. Selon lui, la France a trahi ses engagements humanitaires, notamment en refusant d’accueillir les passagers du navire Aquarius.
« J’ai été moi-même réfugié. Je sais ce que cela signifie de perdre ses repères. »
Syrie : dix années d’engagement sur le front sanitaire
Une guerre ignorée par l’Occident
En 2012, Raphaël Pitti découvre l’ampleur des crimes humanitaires en Syrie : bombardements ciblés d’hôpitaux, attaques chimiques, sièges prolongés… Avec l’UOSSM, il monte quatre centres de formation pour les soignants syriens et forme plus de 34 000 personnes.
Il y retourne 35 fois clandestinement, formant à la médecine de guerre : triage, stabilisation des blessés, soins sous bombardement. Il alerte régulièrement les autorités et médias sur le silence complice de l’Europe face à la brutalité du régime syrien et de ses alliés russes.
Gaza : l’effondrement total de l’humanité
Une situation sans précédent
En 2024, il reste deux semaines à l’Hôpital européen de Rafah, dans le sud de Gaza. Il décrit une situation de chaos absolu : hôpital surpeuplé, manque total de ressources médicales, enfants dans les couloirs, blessures de guerre graves non traitées.
Il évoque un triage inversé : les blessés les plus graves sont laissés à l’abandon faute de moyens, un acte qu’il juge éthiquement insupportable.
« Jamais je n’avais vu cela. Même dans mes nombreuses missions en Syrie ou en Ukraine. »
Deux poids, deux mesures : Gaza vs Ukraine
Pitti dénonce l’hypocrisie occidentale. Selon lui, l’intervention rapide de l’Occident contre la Russie contraste avec son silence face aux crimes commis à Gaza.
« Si Netanyahou n’est pas considéré comme criminel de guerre, alors les conventions internationales ne valent plus rien. »
L’urgence d’un sursaut humanitaire
Raphaël Pitti appelle à une condamnation ferme des violations du droit humanitaire international. Il alerte sur une régression de l’humanité :
« Nous entrons dans un monde de violence, où la force prime sur le droit. »
Il plaide pour un sursaut moral, un rappel à nos valeurs d’humanité et de justice.
Conclusion
Raphaël Pitti incarne la voix de la médecine humanitaire, celle qui soigne sans distinction et alerte sans relâche. Son témoignage, à la fois bouleversant et nécessaire, nous rappelle que le silence est complice des massacres. L’humanité ne peut survivre sans ceux qui, comme lui, se battent pour qu’elle ne disparaisse pas.
